Les jeunes années : La fuite d'Espagne franquiste et l'installation en France. Après quelques années de formation en autodidacte, Alonso quitte l'Espagne. En effet, entre 1938 et 1939, Angel Alonso est arrêté à seulement 17 ans, incarcéré et condamné à mort après la prise de Bilbao par les Franquistes. Sa famille dépose un recours en grâce, acceptée dufait de son jeune âge.
Il retourne chez lui mais quelques mois plus tard, est de nouveau arrêté pour désertion, nayant pas effectué son service militaire. Il est alors déporté sur lîle de Fuerteventura. Il sévade puis, après une période de clandestinité, gagne, en 1947, la frontière française. Il quitte alors définitivement lEspagne pour rejoindre Paris. Et surtout Nicolas de Staël.Ces derniers se retrouvant souvent dans leurs uvres respectives. Guy Dumur dans Nicolas de Staël, le combat avec lange, évoque : « Il [de Staël] se lie avec des gens connus. Georges Braque, en premier, quil voit régulièrement, André Lanskoy, déjà nommé, un jeune peintre espagnol, Angel Alonso. En plus de ces premières influences picturales, il se sent attiré par la couleur et les collages.
En 1950, il se voit menacé dextradition vers lEspagne franquiste par les autorités françaises. Un comité de soutien sorganise, constitué entre autres par Michel Leiris. Il nobtiendra la nationalité française quen 1971 grâce au soutien de son beau-père, Roger Rigaud, ancien vice-président du Conseil de Paris. En 1952, Alonso refuse d'exposer à la prestigieuse galerie Jeanne Bûcher par « pudeur ».
En effet, il estime que son jeune âge ne lui permet pas de prétendre à une telle exposition. En 1955, il expose à la galerie André Schoëller, qui à cette époque représentait des artistes tels que Rebeyrolle, Fautrier, Messagier, Duvillier, Gnoli, Arroyo. À partir de cette exposition ses matériaux deviennent plus denses. De 1957-58, il peint une série de toiles inspirées du tableau de Turner Les Funérailles en mer de Sir David Wilkie.Ce sont les années de sa rencontre fraternelle avec Maria Zambrano, cette même dernière qui lui présentera Cioran. Ce dernier qualifia en 1987 Alonso comme le « dernier peintre français ». À la lumière de ces rencontres, Alonso initie son propre chemin. En 1952, il s'installe à Genainvillier, près de Chartres, qui deviendra, à partir de ce moment son lieu de réflexion et de recherche, centrée principalement sur la couleur.
En 1958, il travaille avec les feuilles, les pommes, les troncs, les branches obsédé par les aspects multiples des sensations végétales. Il parle beaucoup avec Tal-Coat, qui, lui aussi, expérimente constamment.
En 1956, après avoir vécu à Paris, au 49 de la rue de Rennes, Angel Alonso sinstalle à La Laurencie, propriété familiale de son épouse Monique Rigaud, dans le Limousin. Ils y accueilleront nombre de leurs amis, parmi lesquels les poètes Yves de Bayser. Suzane Tézenas, célèbre mécène, lhomme de lettres et critique Guy Dumur. Cest là quAlonso commence à approfondir le travail sur la matière et le paysage.
Les années 60-70 : La bravade au marché de l'art et l'affirmation d'un langage pictural inédit. À partir de 1960 et pendant plus de vingt ans, Alonso se tiendra pratiquement éloigné du marché de l'art. Il se consacre à la peinture comme exigence spirituelle, toujours en contact avec la terre et la nature.Ce sont des années intenses marquées par un retour progressif vers l'essentiel qui se traduit surtout dans la couleur et dans les matériaux. Il commence la série des grands tableaux noirs composés à partir de poudre de charbon, de végétaux brûlés, de paille, de feuillage, de terres qui confèrent au tableau une consistance et une intensité unique. Simultanément il crée d'autres uvres sur bois, carton ou papier où il poursuit son travail de recherche et de réflexion sur la couleur. Un matin très tôt, presque au point du jour, Alonso fut réveillé par lodeur de la fumée des champs brûlés.
Il va jusquà la grille de la ferme de la Chapelle et voit que le feu avance vers la maison. Au début il prend peur, puis réalisant que ce ne sont que des travaux des champs, il reste jouir du spectacle. Quand le feu séteint, cest la vision absolue : la terre noire, comme un tapis, il navait jamais rien vu daussi beau de sa vie. « Quelle insignifiance, la peinture!
», pense-t-il, et il commence à parcourir les champs noircis et à entasser de lherbe brûlée et du char- bon. Il prend des sacs et y met des cendres sans y toucher. Les formes, le squelette végétal, restaient intacts ; le feu a détruit les corps sans décomposer leur silhouette. Cest ainsi que tout a commencé pour Alonso.
Cest la période initiale, vers 1963, des grands charbons et des grands espaces de boue ou de terres brûlées, où toutes les possibilités de la couleur noire brillent, vibrent, du sec à lhumide, du plus lumineux à lobscurité la plus dense. La source unique dinspiration dAngel Alonso a toujours été le paysage. Il était au centre des discussions journalières qui unissaient le jeune peintre à Pierre Tal Coat, son ami, son père spirituel. Ils ont parcouru des fois et des fois laltière forêt des Lions, sarrêtant tous les quarts dheure pour dessiner et échanger leurs points de vue sur la manière de voir un paysage. Depuis la mort de Tal Coat, lunivers sensible dAlonso sest polarisé sur limmensité des champs qui entourent sa demeure de Genainvilliers dans lEure.
Pour Alonso, la terre est le plus beau des paysages. Aussi en est-il arrivé à travailler la terre elle-même. Écho de ces surfaces de terre, la couleur doit être une étendue, la couleur est paysage.On comprend donc pourquoi Alonso refuse tout artifice visant à créer la profondeur, refuse tout dégradé de ton. Il cherche la couleur telle quelle est et non telle quelle nous apparaît, une couleur dune telle vérité quelle saffranchit des strictes limites du cadre. Les années 80 : L'élaboration d'une uvre définitive. À partir des années 80, il exposera des uvres à la Galerie H-M (185 boulevard Saint-Germain à Paris) qui présentait déjà régulièrement Pierre Tal-Coat. En 1982, il retourne à Paris, à l'ancien atelier de Tal-Coat que ce dernier met à sa disposition.
Il alternera longtemps les séjours à Genainvilliers et rue Brézin. Cette année-là, il expose à la galerie Cahiers d'Art.Dans ces travaux, la couleur constitue le paysage même. Avec une maîtrise exceptionnelle des matériaux, il n'hésite pas à inventer ses rouges, verts, jaunes, orange...
Qui jaillissent de la surface poreuse de ses tableaux. Entre 1986 et 1989 il effectue plusieurs expositions à la Galerie Barbier.Les rouges, les blancs et les jaunes, s'étendent sur la toile, jalonnés d'interruptions d'espaces, poussant la couleur jusqu'aux extrêmes mêmes du tableau. Dans ces travaux il a laissé de côté les bonnes relations et les influences de son ami Tal-Coat ainsi que la voie ouverte par Matisse. Il prend parti pour une exigence plus radicale qui subordonne son langage pictural à une écriture essentielle dans laquelle la matière et la couleur se réunissent définitivement.
« Il domine la matière et la technique dont il sest doté lui-même et à travers lesquelles il réussit à donner corps aux couleurs qui lobsèdent le plus. Dans lapplication de la couleur, Alonso joue avec la dureté et la texture de la matière ; il introduit des éléments qui font référence au paysage de Genainvilliers, au travail des paysans ou au geste de lartiste fixant la couleur sur la toile. De là, que parfois il laisse sur la toile la spatule ou le petit morceau de bois quil a employé pour étendre la couleur. En 1987, Juan Carlos Marset, intellectuel et universitaire espagnol, proche de Maria Zambrano, rencontre Angel Alonso à loccasion de ses recherches sur la philosophe et prend la mesure de limportance capitale du travail dAlonso.
Une grande rétrospective est alors mise en uvre en Espagne, où lintégralité de latelier dAlonso est transporté pour lorganiser. Vers la fin des années 80, Alonso est accablé par de sérieux soucis de santé et se voit contraint de s'installer définitivement Rue Brézin. En mai 89, à l'hôpital Lannec, il écrira le poème Beauté Cadavre. La série Désastres, exposée en 1992 à la Galerie Sapone de Nice, constitue l'aboutissement de sa dernière recherche. Il abandonne à nouveau ses jaunes, verts, terres pour retourner au noir et au blanc comme dernier refuge dans lequel il se sent sûr.
Ses derniers tableaux, des petits formats -esquisses possibles pour un temps qui ne viendra jamais- bouclent le voyage de son uvre et de sa vie. La mort brutale dAngel Alonso à Paris, le. Transforme la rétrospective en hommage sous la forme dune exposition. Elle aura lieu en France, à lInstitut Cervantes (Paris, 1996), et en Espagne à la Fundacion Marcelino Botin (Santander, août-septembre 1996), Circulo de Bellas Artes (Madrid, janvier 1997). En 2009, le musée Reina Sofía (Madrid) achète un nombre important de ses uvres tandis que lÉtat espagnol reçoit ses archives (écrits, correspondances, documents), avec en perspective la création dune fondation à Santander. En 2013 se déroule à l'Artsenal de Dreux l'exposition Àngel Alonso qui rassemble les uvres du peintre pour la première fois depuis pratiquement 20 ans.2014: Sept 10 - Nov. 8 Vingt années après la disparition de Angel Alonso, la galerie Michel Soskine Inc. (Madrid-New York) rend hommage à l'artiste par la première exposition dans une galerie de Madrid d'un choix d'uvres sélectionnées dont certaines majeures.
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